Canal de Garonne (Castelsarrasin - Meilhan)

Lundi 27 juin
Ils arrivent en gare de Castelsarrasin vers 19:10, un peu abattus par un voyage de plus de neuf heures. Le port est situé à moins de 5 minutes à pieds de la gare. « L'autre » les y a attend patiemment. Ils déposent leurs bagages à bord, aèrent le bateau et se rendent en ville pour effectuer quelques achats et surtout s'offrir un verre en terrasse. Ils ont oublié qu'à Castelsarrasin les bistros sont fermés le lundi. Ils s'installeront à la terrasse du bus « Bienvenue » qui a ouvert une guinguette au port. Ils prendront toutefois le repas du soir à bord pour ne pas vexer « l'autre » qui se réjouissait de les accueillir.





Mardi 28 juin
Ils ont prévu d'entreprendre le nettoyage du bateau. Le ciel est dégagé, comme la veille. Une légère brise agite les tilleuls qui bordent le quai et parfume le port.
Ils succombent à une douce torpeur qui leur est familière lorsqu'ils sont sur l'eau et considèrent l'état du bateau d'un œil tolérant : les voisins ne sont pas plus propres que "l'autre". La météo annonce des nuages pour demain. Pourquoi faire aujourd'hui ce que l'on peut reporter au lendemain ? Le Café de la Place, hier fermé, est aujourd'hui ouvert et sa terrasse est à l'ombre.
Même s'ils ne s'en sont pas encore beaucoup occupés, ils abandonneront "l'autre" pour prendre le repas du soir au bus Bienvenue.



Mercredi 29 juin
La couverture nuageuse calme l'ardeur du soleil. La torpeur s'est dissipée. La journée fut plus active et mouvementée que la précédente.
Vers 9:30, ils déplacent le bateau au chantier fluvial de Castelsarrasin, situé à proximité du port, pour effectuer la vidange de l'huile du moteur et remplacer le filtre à huile. Au retour au port, à l'approche de leur place d'amarrage, le moteur s'arrête. Pas moyen de le faire redémarrer. Un léger vent, heureusement favorable, pousse gentiment le bateau vers un quai. Ils peuvent lancer une corde à un plaisancier venu à leur secours et réussissent un amarrage de fortune. Retour au chantier naval à pieds pour demander l'aide d'un mécanicien. C'est sans doute le filtre à gazole qui est encrassé. Le chantier n'a plus de filtre disponible. Il est midi. Le mécanicien interviendra en début d'après-midi après s'être procuré la pièce défectueuse. Le problème venait effectivement du filtre à gazole.
Ils retrouvent une place d'amarrage adéquate au port. Il est plus de 15:00. Les émotions donnent soif. Ils entreprendront le nettoyage du bateau après une pause à la terrasse du bus Bienvenue. Lorsque l'heure de l'apéro est venue, ils n'ont effectué que la moitié du travail.
La péniche à passagers « Rosa » s'amarre au port. La camionnette d'un traiteur amène le dîner à bord. Eux bricoleront un repas dans leur petit bateau.





Jeudi 30 juin
La couverture nuageuse s'est déchirée et ne voile le soleil plus que par intermittence. Un léger vent rend toutefois la chaleur supportable.
Ils consacrent la matinée au marché qui, le jeudi à Castelsarrasin, occupe les rues et places du centre ville. Ils en reviennent chargés de produits locaux en particulier de fruits dont ils redécouvrent les saveurs oubliées.
Après l'incontournable sieste, ils achèvent le nettoyage du bateau ; comme d'ordinaire, elle à l'extérieur, lui à l'intérieur.
« L'autre » est prêt à naviguer, eux pas encore.





Vendredi 1er juillet
Ils prennent soin d'eux. Journée de farniente dont ils n'ont rien à dire.
Ils largueront les amarres sans doute dimanche pour rejoindre Moissac, direction Bordeaux.


Samedi 2 juillet
Ils ont complété les provisions, rempli le réservoir d'eau, remplacé les cordes d'hivernage par celles de navigation et hissé les pavillons.
La décision est prise ; ils largueront les amarres demain pour Moissac : 7 km et 7 écluses. Une bonne étape de mise en bateau (on dit bien mise en train).
De Castelsarrasin, ils emporteront avec eux des images d'un chantier fluvial que la providence a placé de leur côté à la première panne moteur.


Dimanche 3 juillet
C'est parti. Légère couverture nuageuse, petite brise, température agréable : les conditions sont particulièrement favorables pour leur première étape de navigation.
Ils larguent les amarres vers 10:00. Lui à la barre, elle aux cordes, sans son appréhension habituelle. Depuis qu'elle fait du yoga, dit-elle, ça va mieux. Le canal est désert, ils ne croisent qu'un seul bateau. Le passage des écluses est fluide. A l'approche de Moissac, le canal franchit le Tarn sur un pont ; celui du chemin de fer s'est installé à côté. Au port, les places disponibles sont rares. Ils glissent « l'autre » derrière « Tiara » de Brisbane, à l'heure de l'apéro, à un peu plus de 12:00 : 2 bonnes heures pour 7 km et 7 écluses.
Dans l'après-midi, petit repérage des alentours du port. Une écluse double permet de descendre du canal sur le Tarn. Un vide grenier s'est installé sous les platanes d'une place le long de la rivière. Le centre ancien de la ville est situé à quelques 5 minutes du port. Ils y trouvent une terrasse ombragée en face du porche de la fameuse abbaye romane.











Lundi 4 juillet
Le ciel est dégagé. Les quelques nuages décoratifs ne calmeront pas l'ardeur du soleil.
Le capitaine du port, soucieux d'optimiser l'occupation des places d'amarrage, les invitent à déplacer leur bateau dans une place faite sur mesure pour « l'autre », entre les péniches « Daisy » et « Artémis ». Malgré la protection des arbres bienveillants qui bordent le quai, la température à bord monte à 33 degrés. Ils se réfugient à l'ombre des ruelles du centre ancien et à la fraîcheur de l'église abbatiale. La palette des couleurs rappelle que Toulouse n'est pas loin. A l'enseigne de « l'éphémère », les femmes du peintre et sculpteur Jean-Louis Toutain tricotent sur le parvis de l'église, indifférentes aux touristes.







Mardi 5 juillet
Ce fut une journée chaude et tranquille, lisse comme la surface de l'eau du canal juste fripée par une légère brise. Une sorte de journée en points de suspension … qui sollicitent l'imagination du lecteur.
Demain ils largueront les amarres pour Valence-d'Agen : 17 km et 5 écluses.


Mercredi 6 juillet
Ils quittent le port de Moissac vers 9:20 à destination de Valence-d'Agen. Le ciel est dégagé mais la température encore supportable.
Dans la traversée de Moissac, le pont St-Jacques pivote pour les laisser passer. D'anciennes réclames murales défraîchies se disputent le pignon d'une maison ; la Vittelloise, l'eau qui chante et qui danse, a pris le dessus. Ils doublent un narrow boat britannique encore endormi et ne croisent sinon aucun bateau en navigation. A l'approche de la troisième écluse, celle du Braguel, le canal est bordé de platanes presqu'aussi imposants que ceux du canal du Midi. Ils ne résistent pas à la tentation de s'amarrer en sauvage pour passer le reste de la journée à l'ombre et la nuit en pleine nature. Des 17 km prévus, ils n'en ont parcouru que 12 en quelques 2 heures. Dans leurs fauteuils pliables au bord de l'ancien chemin de halage, entre les lignes de leur lecture, ils observent les marcheurs, les pèlerins sur le chemin de St-Jacques de Compostelle et les cyclistes à défaut de bateaux sur le canal.






Jeudi 7 juillet
Ils avaient oublié à quel point les nuits à l'écart des villes pouvaient être sombres et silencieuses.
Ils achèveront l'étape qu'ils ont interrompue hier pour se mettre au vert : 5 km et 3 écluses pour atteindre Valence-d'Agen.
Ils larguent les amarres vers 9:45. Le canal est toujours désert. Ils passent la petite halte de Pommevic où les bateaux font la grasse matinée à l'ombre. Ils hésitent à s'y arrêtés. Ce ne serait pas raisonnable ; ils n'ont parcouru qu'un kilomètre. Ils arrivent au port de Valence-d'Agen vers 10:45. Toutes les places d'amarrages sont en plein soleil et le resteront vraisemblablement toute la journée. Ils décident de s'arrêter pour quelques achats en ville et de reprendre ensuite la navigation à la recherche d'un endroit ombragé pour amarrer le bateau en sauvage. La végétation des rives est peu fournie. Sur les rares tronçons ombragés, les rives sont inhospitalières : herbes aquatiques susceptibles d'entraver l'hélice, talus abruptes rendant difficile l'amarrage et la descente à terre. Après 5 km de navigation, à l'approche de l'écluse Lagamistère, ils n'ont toujours pas trouvé l'endroit attendu et décident de revenir au port de Valence-d'Agen. Ils auront parcourus 15 km pour se retrouver à 5 km du départ. L'apéro est reporté à 14:00.
Ils n'envisagent pas une sieste à bord sous 35 degrés ; ils en tentent une dans leurs fauteuils pliables à l'ombres d'arbres proches. En attendant que le soleil décline, ils se réfugient sous les arcades qui bordent la Place Nationale occupée par la halle du marché.
A Moissac, sur le parvis de l'abbatiale, ils ont rencontré les tricoteuses ; à Valence-d'Agen, au chevet de l'église, la mère à l'enfant.






Vendredi 8 juillet
Ils ont prévu reprendre la navigation vers 8:30 pour atteindre Agen en une étape. La couverture nuageuse ne laisse pas de place au soleil. Sous le vent, le fond de l'air est presque frais. Ils se sentent bien à bord et le port est devenu fréquentable. Ils décident de reporter leur départ au lendemain. A la mi-journée, la couverture nuageuse se disperse mais un vent parfois même soutenu rend la température supportable. Ils n'auront pas fait demi-tour la veille pour rien. Le centre ancien de Valence-d'Agen, ses façades de briques de terre cuite, ses arcades, ses halles et ses lavoirs, le valaient bien.




Samedi 9 juillet
Ils larguent les amarres vers 9:00. Le ciel est couvert. Les bateaux au port sont encore assoupis. Un peu plus loin, un autre repose en paix, décorant la rive de son épave. Le canal est désert ; les rives, inhospitalières ; le paysage, morne ; la départementale à tribord, le chemin de fer à bâbord.
A l'écluse St-Christophe, l'auberge de « la Poule à Vélo » s'est installée dans la maison éclusière. Entrez sans frapper, mais avec le sourire. Ils ne se font pas prier, amarrent le bateau au ponton d'attente de l'écluse et s'installent en terrasse. Il est un peu plus de 11:30, l'heure de l'apéro et d'un petit repas. A l'approche d'Agen, le canal reprend un peu d'allure, avec des plantations généreuses et des berges abordables. Sur le pont de Lascarbonnières, un panneau annonce la halte nautique de Montalembert à Boé. Une place au pied de deux pins est libre. Ils y amarrent le bateau, ne sachant ce que leur réservera le port d'Agen situé à 5 km. Il est environ 13:15. Ils ont parcouru 20 km et franchi 3 écluses en quelques 3,25 heures de navigation effective. Ils n'ont croisé aucun bateau.








Dimanche 10 juillet
Dès son lever, le soleil a pris possession du ciel, sans concession au moindre nuage. La journée s'annonce chaude. La veille, ils ont appris qu'un marché se tient le dimanche matin à Bon Encontre, à quelques 15 minutes du port. Ils ont appris également que le port d'Agen n'offre pas de place ombragée. Ils iront au marché et passeront la journée à la halte nautique de Boé, à défaut d'alternative plus séduisante. A bord la température monte à 37 degrés. Journée moite et somnolente à l'ombre des pins odorants.



Lundi 11 juillet
La halte nautique de Boé est agréable mais les alentours ne présentent pas d'intérêt : banlieue résidentielle de l'agglomération d'Agen. Ils larguent les amarres vers 10:30 à destination du centre d'Agen.
C'est au tour des nuages d'occuper le ciel. Des friches industrielles rappellent la destination originelle du canal. Ils doublent la péniche « les vieux papillons » au pavillon des Etats-Unis et croisent un bateau avant d'atteindre Agen après trois-quarts d'heure de navigation. Depuis leur départ de Castelsarrasin, ils n'avaient pas encore connu un tel trafic : 2 bateaux sur 5 km. Avant d'arriver au port, ils glissent le bateau sous un saule pleureur. Si le ciel se dégage, ils seront à l'ombre. Le centre ville est à quelques 15 minutes. Ils longent le canal, empruntent la passerelle Gauja qui franchit les voies ferrées, s'engagent dans le boulevard du Président Carnot et atteignent les rues piétonnes du centre. Comme ailleurs, il faut lever les yeux tant les rez-de-chaussée ont été banalisés. Ils passeront au moins deux nuits sous le saule pleureur pour prendre le temps de flâner dans le centre ancien.







Mardi 12 juillet
Le saule caresse le bateau en y déposant des feuilles que colle une petite pluie. Ils cherchaient de l'ombre. Maintenant qu'ils ont trouvé l'abri idéal, les nuages les narguent. Le saule ne portera pas ombre aujourd'hui. Les conditions sont favorables à une découverte du centre ville.
Aujourd'hui, ils changent d'itinéraire. Ils franchissent les voies ferrées par le Pont de la Libération qui doit avoir le goût amer d'une occupation pour le quartier traversé. A la Place du 14 juillet, ils prennent à gauche le Boulevard de la République pour déambuler dans le centre ancien. A Moissac, sur le parvis de l'abbatiale, ils ont rencontré les tricoteuses ; à Valence-d'Agen, au chevet de l'église, la mère à l'enfant ; à Agen, sur la place des Laitiers, le pèlerin.










Mercredi 13 juillet
A la sortie d'Agen, le canal franchit la Garonne sur un pont long de 580 m et dévale ensuite plus de 12 m en 4 écluses en chaîne pour rejoindre le niveau du fleuve. La première écluse est en panne.
La fermeture des portes est entravée par des amas d'herbes jetées à l'eau lors de l'entretien des berges. Dans l'attente du dépannage, ils sont rejoints par «Oxford Blue», un narrow-boat britannique qui a passé la nuit au port d'Agen et qu'ils ont déjà rencontré à quelques reprises. Ils passeront les écluses avec lui. Le canal prend des allures de rivière. Il est difficile de repérer des traces de l'ancien chemin de halage envahi par la végétation. Une péniche attend des jours meilleurs sous un saule pleureur. Un bateau de location, «Joe Dalton» de la compagnie Emeraude Navigation, la proue dans la berge, obstrue la voie d'eau. Le bateau est en panne. S'agissant d'un bateau de location, ils avaient d'abord pensé à une tentative d'accostage mal maîtrisée. «L'autre» prend «Joe Dalton» en couple et le dépose au quai de la halte nautique de Sérignac-sur-Garonne, située quelques 500 m plus loin. Ils y font escale avec «Oxford Blue». Les nuages sont menaçants. Le vent souffle, parfois par fortes rafales. Ils essuieront une petite pluie.











Jeudi 14 juillet
Hier, en fin de journée, le vent a dispersé les nuages. «L'autre» s'est assoupi au ronronnement des ventilateurs des silos. Aujourd'hui, en début de journée, les nuages et le soleil se partagent le ciel. Le vent n'a pas faibli. La température sera agréable.
Ils passeront une nuit supplémentaire à Sérignac-sur-Garonne et profiteront de l'escale pour nettoyer le bateau.
Le centre du bourg est situé à moins de 10 minutes. Ils y trouvent tous les commerces utiles. Des arcades supportent des constructions à colombages et briques de terre cuite. L'église Notre-Dame vrille de manière insolite la flèche de son clocher vers le ciel.
Parmi ceux qui vivent sur l'eau, certains clôturent leur jardin.







Vendredi 15 juillet
Ils larguent les amarres vers 9:45, sous un ciel dégagé, à destination de Buzet-sur-Baïse, à 17 km et 3 écluses. Ils passent les silos de Sérignac-sur-Garonne que les péniches ont abandonné. Devant eux, à tribord, un bateau est empêtré dans les broussailles de la berge. Les occupants du bateau «Achille Talon» de la compagnie de location Emeraude Navigation leur font des signes de détresse; ils sont en panne. «L'autre», qui a acquis de l'expérience en la matière, prend le bateau en couple et le dépose sous un pont à un endroit accessible par un véhicule de dépannage. Ils apprendront plus tard qu'il s'agissait d'une panne de carburant. Mercredi, c'était «Joe Dalton»; aujourd'hui, «Achille Talon»; demain, peut-être, «Gaston Lagaffe». Le canal franchit la Baïse sur un pont et descend ensuite deux écluses pour rejoindre le niveau de la rivière sur laquelle ils ont prévu naviguer sur leur retour de Bordeaux. Ils arrivent à Buzet-sur-Baïse vers 13:15 et amarrent le bateau à la berge qui fait face au port. Ils renoncent aux services au profit de l'ombre.







Samedi 16 juillet
Le ciel est dégagé. Le bateau sera à l’ombre dans le milieu de l’après-midi; il n’aura pas eu le temps d’accumuler trop de chaleur. Ils passeront une nuit supplémentaire à Buzet-sur-Baïse. «L’autre» a besoin de se reposer après l’effort fourni la veille. Eux s’offriront une journée de farniente.
Le canal est désormais définitivement destiné à la plaisance. L’usine «Cellulose de Buzet» est en friche; l’ancien moulin, en ruine depuis longtemps déjà.
Ils prennent le repas du soir au bar-restaurant «Au Bord de l’Eau », quelques 500 m en aval du port, qui met une laverie à disposition des navigateurs. Les occasions de laver le linge ne sont pas très fréquentes. Près de 4 heures pour une lessive. Le séchoir était paresseux.






Dimanche 17 juillet
Ils quittent Buzet-sur-Baïse vers 10:00 après avoir fait le plein d’eau au port. Ils se préparent à faire des escales en sauvage. La météo annonce une série de journées chaudes. Ils savent d’expérience que les haltes nautiques n’offrent que rarement des places d’amarrage ombragées.
Avec des berges plantées de majestueux platanes, le canal de Garonne prend des allures de canal du Midi. Un tuyau de chargement émerge de la végétation, attendant désespérément une improbable péniche. Depuis le 15 juillet, les bateaux de location sont plus nombreux. Ils doivent patienter devant la première écluse. Ils rejoignent un voilier qui se traîne un peu maladroit sur le canal, impatient sans doute de prendre ses aises sur l’Atlantique. En arrivant au Mas-d’Agenais, «l’autre» a la surprise d’apercevoir «Lady Sue», la péniche qui l’avait aimablement accompagné dans la traversée de l’étang de Thau l’été dernier. Comme ils s’y attendaient, le port n’offre pas de places à l’ombre. Ils rebroussent canal, pour amarrer le bateau sous les platanes quelques 200 m en amont du pont qui franchit le canal et la Garonne voisine. Il est 13:15 ; ils ont parcouru 20 km et franchit 3 écluses. Ils passeront le reste de la journée à l’ombre des platanes et iront au village demain matin avec leur vélo.







Lundi 18 juillet
«L’autre» se réveille sous les rayons obliques du soleil matinal qui se faufilent entre les broussailles qui complètent la frondaison des platanes. La journée sera encore plus chaude que hier.
Ils se rendent au village avec les vélos. Le pont suspendu qui franchit le canal et la Garonne n’est pas accessible depuis le chemin de halage. Ils doivent rouler jusqu’à la prochaine écluse, située à plus d’un 1 km, pour franchir le canal et atteindre le village. Les chaussées du centre sont en réfection et fermées à la circulation. Ils se fraient un chemin entre les engins de chantier en poussant leur vélo. Le revêtement bitumineux encore frais colle aux semelles. La halle du marché d’ordinaire occupée par la terrasse du café voisin est déserte. Ils se dégourdissent les jambes en pédalant sur le chemin de halage, régulièrement devancés par les vrais cyclistes, avant de se réfugier à l’ombre des platanes dès la mi-journée. Il fait trop chaud pour prendre le risque de naviguer à découvert. D’autres ne sont pas du même avis. Des bateaux continuent à naviguer ; des cyclistes à pédaler. Dans leur fauteuil, ils les saluent.





Mardi 19 juillet
Ils remontent au village du Mas-d’Agenais en début de journée pour compléter leurs provisions. Les rares personnes dans les rues se tiennent à l’ombre. Le chantier de réfection des chaussées s’est déplacé. Le bistrot de La Halle a sorti deux petites tables à l’ombre de sa façade; ils en profitent.
La météo annonce des températures en hausse : 38 à 40 degrés. Ils décident toutefois d’avancer en espérant trouver un autre abri avant la chaleur du début d’après-midi. Ils le trouvent à l’approche de la halte nautique de Caumont-sur-Garonne. Ils ne savent pas ce que leur réserve le canal plus loin. Dans le doute, ils s’abstiennent de poursuivre. Ce sera sans doute l’étape la plus courte de la saison : 4 km et 1 écluse.
Ils ont beau vivre au fil de l’eau, le flux du courrier et des factures n’est pas pour autant suspendu. Les tâches administratives sont plus légères à l’ombre des platanes mais les factures demeurent insensibles à l’ambiance.






Mercredi 20 juillet
Ils ont oublié de relever l’heure à laquelle ils ont largué les amarres. Ils ne se sont pas fixés de destination. Le soleil est voilé. Le temps est idéal pour naviguer quelques heures.
Ils passent le port de Pont-les-Sables où est basée la compagnie Emeraude Navigation dont ils ont pris en charge deux bateaux de location en panne, les 13 et 15 juillet derniers. Les silos attendent toujours d’improbables péniches. Ils rejoignent un bateau en attente devant la première écluse, «Adeila». Ils navigueront avec lui jusqu’à la halte nautique de Meilhan-sur-Garonne où ils décident de faire escale. Ils ont parcouru 15 km et franchi 3 écluses.
A peine le moteur éteint, ils entendent la pompe du circuit d’eau s’enclencher et, après elle, la pompe de cale. Une pièce de la pompe du circuit d’eau souffre d’une fuite. En tentant de réparer, il casse la pièce. «Il» au singulier, pour rendre la chose à son auteur. Plus d’eau à l’évier, ni au lavabo, ni à la douche. Il contacte le chantier naval de Pont-des-Sables. Un mécanicien passera demain matin. Dans l’attente, ils utiliseront les douches du camping voisin et feront la vaisselle avec l’eau des bouteilles remplies aux bornes de la halte nautique.






Jeudi 21 juillet
Ils se sont levés plus tôt que d’habitude au cas où le mécanicien passerait en début de journée. Il ne se présentera que dans la seconde partie de la matinée. Dans l’attente, ils entreprennent le nettoyage du bateau qui en a bien besoin après les jours passés sous les platanes.
Le groupe de mise sous pression du circuit d’eau est d’origine ; il a une trentaine d’année. Les pièces se trouvent difficilement. Il faudra remplacer l’ensemble. Le mécanicien repassera en fin de journée. Ils prolongeront en conséquence leur escale d’une nuit au moins. La halte nautique de Meilhan-sur-Garonne est agréablement située dans un écrin de végétation dont ils n’apprécieront toutefois pas les ombres sous un ciel aussi couvert que la veille. Des péniches y ont élu domicile. Les bateaux de passage sont aux mains de particuliers. Sur cette extrémité du canal, les bateaux de location sont rares. Le gérant de la halte est britannique ; les occupants des bateaux également. La plaisance fluviale est une enclave britannique en France.
En début de soirée, la distribution d’eau est rétablie sur le bateau.





Vendredi 22 juillet
Le ciel est encore couvert. La halte nautique n’est occupée que par les résidents et «l’autre» de passage. Ils prolongeront l’escale d’une nuit. Le village de Meilhan-sur-Garonne est situé en hauteur sur la rive gauche du canal à un petit quart d’heure de marche.
Ils s’y rendent pour compléter leurs provisions. Ils prennent à droite, direction épicerie, et laissent à gauche les fermes de Garonne et Cocumont. Les anciennes constructions ont connu des jours meilleures. La pompe à essence attend le retour au franc. Au pied du village, le canal conte fleurette à la Garonne.
Plusieurs plaisanciers les ont mis en garde contre les herbes aquatiques qui envahissent le canal en direction de Castets-en-Dorthe, leur prochaine destination. Le capitaine de la halte nautique confirme: seul un chenal au centre du canal est dégagé; les berges sont encombrées d’herbes; le port de Castets-en-Dorthe, également. Cellule de crise: après de courtes délibérations, la décision est prise, à l’unanimité, de ne pas prendre le risque de s’empêtrer dans les herbes. Ils renoncent à rejoindre la Garonne et à descendre jusqu’à Bordeaux. Demain, ils commenceront à remonter le canal, direction Toulouse.








Samedi 23 juillet
Ils constatent une fuite au nouveau groupe d’alimentation du circuit d’eau. Le mécanicien n’interviendra qu’en milieu d’après-midi. Ils reporteront leur départ au lendemain.
«L’autre», un peu surpris, voit passer «Lady Sue». Elle l’a sans doute également aperçu; elle décide de s’amarrer à la halte nautique. Ils n’avaient pourtant pas pris rendez-vous. La première rencontre date de 2013, sur le canal du Nivernais; la deuxième, de l’année dernière, sur le canal du Rhône à Sète, avant de traverser ensemble l’Etang de Thau. «Lady Sue» choisit «Saint-Louis» comme voisin. «L’autre», qui ne joue pas dans la cour des grands, passera sa dernière nuit à Meilhan-sur-Garonne avec un insolite petit voisin qui a décidé de lui tourner le dos.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire